La Ligue des champions, dont l’entraîneur de Manchester United Alex Ferguson a estimé récemment qu’elle était plus intéressante que la Coupe du monde, est devenue au cours de la dernière décennie une extraordinaire entreprise commerciale, générant des revenus qui ont connu une croissance à la mesure de celle des droits de télévision. L’âge d’or débute avec les années 2000: l’explosion date précisément de la saison 1999/2000 et, en dépit d’un creux au milieu de la décennie, le montant de chacune des trois dernières saisons représente… six fois celui de 1996/1997.

Qui gagne à la répartition de ces richesses, ensuite? Ces sommes sont distribuées entre les clubs selon trois grands critères: une part fixe, une part “sportive” indexée au parcours dans la compétition et une part baptisée Market Pool, calculée en fonction du montant des droits de télévision payés par chaque pays… Ce qui en fait un levier puissant pour diriger les ressources là où elles sont déjà les plus concentrées. Ainsi, pour le même parcours jusqu’aux quarts de finale, Manchester United aura touché près de 29 millions d’euros de Market Pool, Bordeaux 11,9 millions et le CSKA Moscou 4,8.

Pour mieux savoir qui profite le plus du système, nous avons regroupé des données sur les gains des clubs au cours de la période courant de la saison 2003/2004 à la saison 2009/2010 et correspondant à une formule sportive inchangée (hormis celle des tours préliminaires).

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Les gains des clubs anglais représentent plus du double de ceux des clubs français. Mais le fossé se trouve surtout entre le top 5 et les suivants. La France, 5e, a ainsi encaissé plus du double que les Pays-Bas, 6e.

Le Big Four n’est pas une vue de l’esprit. Seuls quatre clubs anglais ont participé à la compétition en sept ans. Ils se sont assurés le plus gros gâteau tout en le découpant en peu de parts.

La Liga détient le record du nombre de participants (10) tout en ayant qualifié le duo Real-Barça 13 fois sur 14. Valence émarge à trois participations, les sept autres formations espagnoles en comptent une à deux. C’est l’option Big Two.

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L’Angleterre réalise un triplé sur le podium, pour deux titres remportés par Manchester et Liverpool – les Reds étant seulement huitièmes. Les quatre gros concrétisent avec cette manne la domination anglaise sur la période (à moins que ce ne soit l’inverse).

Un seul titre a échappé aux membres du top 10 au cours des sept dernières saisons: celui du premier exercice, 2003/2004, qui est revenu au FC Porto de José Mourinho. Le club portugais est 14e, malgré un strike de sept participations.

Le FC Barcelone ne pointe qu’en sixième position, en dépit des deux titres remportés. Les Blaugranas ne comptent “que” six participations et pâtissent d’un Market Pool moindre que celui des clubs français.

L’Olympique lyonnais devance Barcelone, le Bayern, Liverpool, l’AC Milan et le Real… Il s’est assuré 100 millions d’euros de plus que son dauphin national, Bordeaux. C’est le Big One à la française… ou à l’Allemande, puisque le Bayern a creusé des écarts analogues avec ses concurrents de Bundesliga.

La Ligue des champions crée ainsi, aussi bien au travers de sa formule de compétition que de son système de répartition des gains, un cercle vertueux au profit des clubs les plus riches: ils sont assurés de récupérer une part des recettes qui leur garantit une position très dominante à la fois économiquement et sportivement – avec la capacité de truster le marché des meilleurs joueurs. Les réformes (retour à une seule phase de groupes en 2003/2004, nouvelles conditions d’accès offrant une meilleure représentativité des “petits” pays) ont à peine infléchi la tendance (lire “Une réforme pour presque rien“).
On comprend aussi à quel point la qualification quasi systématique pour la C1 est une condition sine qua non pour se maintenir dans ce gotha. Entre ceux qui y parviennent et les autres, il y a un monde désormais.
[1] Porto: 7. Olympiakos, Dynamo Kiev, PSV: 6. Celtic: 5. Fenerbahce, Rangers, CSKA Moscou, Panathinaikos: 4.
NdA : d’autres données sont présentées en graphiques ici .